• ÉGLISE PLURIELLE

    Comprendre l’origine biblique du signe de croix

    Abbé Alain-René Arbez

     

    « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, amen ! »

     

    Front, poitrine, épaule gauche, épaule droite, le signe de croix n’est pas un simple geste de piété automatique, encore moins un réflexe de superstition, il exprime un message symbolique et existentiel venant tout droit de la Bible et de la tradition juive.

    Tout d’abord, bien des siècles avant Jésus, on a l’habitude en terre d’Israël de tracer sur le front un signe de bénédiction divine en forme de + , ancienne graphie du tav, la dernière lettre de l’alphabet hébraïque désignant le T de Torah. Or, que dit la prophétie messianique d’Ezekiel ? (Ez 9.4-6) : « Passe par le milieu de la ville et marque d’un tav le front des hommes ! »

    Ce qui est éclairé par l’affirmation de Jésus lui-même : « Je ne suis pas venu abolir la Torah, mais l’accomplir » (Mt 5.17).

     

    Les premiers disciples de Jésus superposent donc le sens de la mort-résurrection au signe de bénédiction qu’ils pratiquent déjà, puisqu’ils considèrent Jésus comme une Torah vivante, le Verbe de Dieu incarné, pleinement manifesté sur le gibet romain du Golgotha.

    Tertullien (160-220) écrit : « Au début et à la fin de toutes nos activités, nous nous marquons le front avec le signe de la croix… »

    À l’époque des persécutions romaines de juifs et de chrétiens mis à mort pour leur refus de diviniser le pouvoir impérial, une épitaphe du 2ème siècle (Abercius) évoque cette résistance de tout « un peuple qui a le sceau brillant au front »

     

    On comprend ainsi la logique spirituelle qui anime les croyants christiques dans le geste du signe de croix déployé avec la main droite :

    ♦ le front, siège de la pensée,

    ♦ la poitrine, lieu de la santé physique et du cœur,

    ♦ et les épaules, représentant la force de vivre et l’activité quotidienne.

     

    Au nom du Dieu Père, sur le front, car créateur de toute existence et de tout projet porteur de vie.

    Au nom du Fils, sur la poitrine, caractère physique, car Dieu veut que sa parole s’incarne.

    Au nom du Saint Esprit, sur les épaules, car le lien interactif entre Dieu-Père et le Fils inspirera notre manière concrète d’être hommes et femmes.

    Verticalité et horizontalité manifestent également la destination cosmique aux quatre horizons de la Parole de Dieu ainsi que son application intégrale à tous les aspects de notre humanité.

     

    Mais on peut dire aussi que le signe de croix manifeste le désir des premiers chrétiens de relayer la tradition mère du judaïsme dans laquelle ils puisent leurs expressions de foi et de piété.

    Voici donc comment ils transposent gestuellement dans l’espace la signification des tefilin, (appelés phylactères dans l’évangile grec).

    Les tefilin sont des petits boîtiers recelant la Parole de Dieu, attachés à des lanières de cuir pour relier le front du croyant à ses bras. Ceci pour montrer concrètement l’attachement à la Parole de Dieu qui inspire toute pensée et qui permet d’agir humainement selon la volonté de Celui qu’on invoque : Avinou, malkenou ! Notre père, notre roi !

    Nous lisons au Livre du Deutéronome : « Que les commandements que je te prescris soient inscrits dans ton cœur…Attache-les sur ta main et porte-les sur le front » (Dt 6.4-9)

     

    Le geste du signe de croix de haut en bas reprend ce mouvement de l’irruption du divin dans notre condition humaine. Il visualise aussi le trajet de la pensée vers le cœur, c'est-à-dire le recentrage de l’être, si nécessaire aujourd’hui alors que nous sommes tiraillés en tous sens, au point d’être parfois « en exil » de nous-mêmes... Au cœur de l’être se trouve la fine pointe de l’âme, là où le Royaume de Dieu est déjà présent en nous. « Je dors, mais mon cœur veille » (Ct)

     

    Quelle belle manière de tracer sur soi-même l’itinéraire dynamique de l’amour bienveillant de Dieu qui nous veut vivants ! N’est-ce pas la même démarche spirituelle qui relie – exactement comme les tefilin - le front, le cœur et les bras, c'est-à-dire la pensée, la chair et l’action, et cela, en réponse de confiance et d’amour aux commandements de Dieu ?

    Réf : site de l'ajcf (Amitié Judéo-Chrétienne de France) - https://www.ajcf.fr

     

    NB : Quoi qu'il en soit, que l'on soit d'accord ou non avec cet article très intéressant et très instructif, faire le "signe de croix" n'enlève rien et/ou n'ajoute rien à la Bible, Parole de Dieu. En faisant le "signe de croix", faut-il du reste discerner toute l'oeuvre du Christ à la croix, et ce que cela implique dans la vie de chacun.



  • Courir pour remporter le prix


    À qui s’adressent les avertissements d’un jugement final du Nouveau Testament ?

    J’ai soutenu jusqu’ici que les avertissements du Nouveau Testament s’adressent aux croyants et qu’ils menacent d’un jugement ultime. En même temps, tous ceux qui appartiennent à Dieu et qui sont appelés par sa grâce écouteront les avertissements. Celui qui les a appelés à la foi les fortifiera afin qu’ils n’abandonnent pas la foi. La promesse de Dieu pour leur protection spirituelle n’annule pas l’importance de la responsabilité humaine. Le chrétien est appelé à persévérer dans la foi jusqu’à la fin. La dynamique à l’œuvre ici est similaire à l’appel initial à la foi. D’un côté, Dieu choisit les siens et leur accorde la grâce : la foi est donc un don de Dieu. De l’autre côté, les êtres humains sont appelés à croire et à placer leur confiance dans l’Évangile. L’élection de grâce de Dieu n’annule pas l’obligation de croire pour être sauvé. De même, la responsabilité de croire ne conduit pas à la conclusion que l’élection divine est une plaisanterie. Je maintiens que les avertissements fonctionnent de la même manière que l’appel initial à la foi. Dieu promet de préserver les siens jusqu’à la fin. Mais cette promesse ne signifie pas que la persévérance est une option, tout comme la foi n’est pas une option pour obtenir le salut.

    Qu’en est-il de ceux qui abandonnent la foi, surtout si cela ne peut concerner les élus ?

    C’est précisément là qu’il faut garder en tête la fonction des avertissements. Ils sont prospectifs et ils exhortent les chrétiens à continuer de s’attacher à Christ, afin de ne pas se tourner vers les idoles (1 Jean 5:21). Les avertissements n’ont pas été écrits comme une réflexion rétrospective sur le statut de ceux qui sont déjà tombés. Ce sont des instructions criées aux coureurs pendant la course, des ordres donnés aux soldats au milieu de la bataille. Ce ne sont pas des réflexions de salon sur ceux qui ont déserté pendant le combat. Étant donné la fonction de ces avertissements, nous ne sommes pas surpris d’apprendre que certaines questions souvent posées sur ces passages ne trouvent pas de réponse dans les avertissements eux-mêmes.

    La perspective de Jean…

    Néanmoins, certains passages du Nouveau Testament évoquent ceux qui sont tombés, ceux qui n’ont pas persévéré jusqu’à la fin. La première épître de Jean veut rassurer ceux qui ne sont pas tombés, afin qu’ils sachent qu’ils ont la vie éternelle (1 Jean 5:13). Jean les exhorte à rester fidèles à l’enseignement reçu. L’exhortation est donnée parce que certains ont quitté l’Église et ont probablement formé une nouvelle communauté. L’enseignement hérétique qui y est dispensé n’est pas extérieur à l’Église, il provient de gens qui étaient membres de l’Église avant de quitter la communauté. Comment Jean évalue-t-il ces anciens membres ? Ont-ils perdu leur salut ? Dans 1 Jean 2:19, la réponse est très claire : « Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas des nôtres, car s’ils avaient été des nôtres, ils seraient restés avec nous. Mais cela est arrivé afin qu’il soit bien clair que tous ne sont pas des nôtres. » Ceux qui sont tombés n’ont jamais été vraiment chrétiens. Ils ne sont pas « des nôtres ». La persévérance est la marque de l’authenticité et ceux qui ne persévèrent pas démontrent qu’ils ne font pas vraiment partie du peuple de Dieu. Voici l’aperçu rétrospectif qui manque aux avertissements. Aucun élu véritable n’abandonnera la foi, et ceux qui agissent ainsi révèlent qu’ils n’ont jamais été vraiment sauvés.

    puis celle de Matthieu…

    Cette perspective ne se limite pas à 1 Jean. Ainsi Jésus parle des œuvres remarquables qui semblent être réservées aux chrétiens, et pourtant il souligne que, parmi ceux qui font de telles œuvres, certains ne recevront pas la vie éternelle.

    Chrétiens authentiques ?

    Ceux qui me disent : ‘Seigneur, Seigneur !’ n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais seulement celui qui fait la volonté de mon Père céleste. Beaucoup me diront ce jour-là : ‘Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en ton nom ? N’avons-nous pas chassé des démons en ton nom ? N’avons-nous pas fait beaucoup de miracles en ton nom ?’ Alors je leur dirai ouvertement : ‘Je ne vous ai jamais connus. Éloignez-vous de moi, vous qui commettez le mal ! – Matthieu 7:21-23

    Alors comment faire partie du peuple de Dieu ?

    Prophétiser au nom de Jésus, chasser des démons en son nom et faire des miracles spectaculaires ne garantissent pas la vie éternelle. En effet, « beaucoup » accompliront de telles œuvres et seront quand même destinés à la perdition. Cependant, ils confessent Jésus comme « Seigneur, Seigneur ». Nous pourrions donc conclure qu’ils ont abandonné la foi, puisqu’ils semblent être membres de l’Église. Mais le texte exclut cette interprétation. Jésus dit : « Je ne vous ai jamais connus. » Le passage ne dit pas : « Je vous avais connu à un moment mais maintenant, je vous rejette. » Non, ils n’ont jamais fait vraiment partie du peuple de Dieu. Ils paraissaient chrétiens mais ne l’étaient pas vraiment. Seuls ceux qui sont pauvres en esprit (Matthieu 5:3) et qui font la volonté de Dieu (Matthieu 7:21) sont des chrétiens authentiques.

    et enfin la perspective de Paul

    Deux autres exemples, dans les écrits de Paul, font état de ceux qui se sont égarés loin de la foi.

    Influencés par de faux enseignements

    À Éphèse, Hyménée et Philète ont introduit des enseignements déviants, en disant que la résurrection avait déjà eu lieu (2 Timothée 2:17-18). Ils ont ainsi « ébranlé la foi de certains » (2 Timothée 2:18). Le mot « ébranler » (anatrepo) traduit le renversement de la foi de certains dans l’Église locale. Ce même verbe est utilisé quand Jésus « renversa [les] tables » des changeurs de monnaie dans Jean 2:15. Certains ont abandonné la foi sous l’influence d’Hyménée et de Philète. Il semble, au premier abord, qu’ils aient fait acte d’apostasie. Mais Paul ajoute immédiatement : « Cependant, les solides fondations posées par Dieu subsistent, porteuses de cette inscription : Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent et : Tout homme qui prononce le nom du Seigneur, qu’il se détourne du mal » (2 Timothée 2:19). Dire que les fondations posées par Dieu subsistent signifie que ceux qui font vraiment partie de sa maison ne la quitteront jamais. Cela semble être confirmé en Nombres 16:5, qui dit que le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent vraiment. Paul fait ici allusion à l’apostasie de Koré, Dathan et Abiram. Leur rébellion démontre qu’ils n’appartenaient pas vraiment au Seigneur. De même, ceux qui font vraiment partie de la maisonnée de Dieu ne seront pas influencés par de faux enseignements. La fondation de la maison reste inébranlable. L’apostasie se produit donc parfois parmi ceux qui sont dans l’Église, mais ceux qui abandonnent la foi révèlent qu’ils n’ont jamais réellement appartenu à Dieu ; ils n’étaient pas de sa maison. Ainsi, l’apostasie est phénoménologique. En d’autres termes, ceux qui ont seulement l’apparence de vrais croyants abandonneront la foi, mais aucun vrai chrétien ne tombera.

    Le rôle des divisions

    1 Corinthiens 11:19 va dans le même sens. Paul remarque : « Il faut bien en effet qu’il y ait aussi des divisions parmi vous, afin que l’on puisse reconnaître ceux qui sont approuvés de Dieu au milieu de vous. » Paul réprimande les Corinthiens pour leur comportement égoïste pendant le repas du Seigneur (1 Corinthiens 11:17-34), où les riches mangent à leur faim et s’enivrent même, alors que les pauvres n’ont rien à manger. Paul s’étonne d’un tel comportement pendant un repas qui se termine par la célébration de la mort du Seigneur. Néanmoins, ces divisions sont utiles car elles mettent en lumière ceux qui sont approuvés de Dieu. Le mot « approuvé » (dokimos) désigne les chrétiens authentiques (voir 2 Corinthiens 10:18 et 13:7 ; 2 Timothée 2:15). Chez Paul, le mot « désapprouvé » désigne normalement des non-croyants (Romains 1:28 ; 1 Corinthiens 9:27 ; 2 Corinthiens 13:5-7 ; 2 Timothée 3:8 ; Tite 1:16 ; voir aussi Hébreux 6:8). La division parmi les Corinthiens révèle donc qui sont les vrais croyants. Autrement dit, certains de ceux qui se disent chrétiens ne le sont pas. Là encore, Paul ne dit pas que certains ont perdu leur salut. Les divisions dans l’assemblée révèlent ceux qui ont une foi authentique.

    Des avertissements pour continuer à croire

    Quand nous regardons les avertissements contenus dans le Nouveau Testament, nous voyons qu’ils s’adressent aux croyants et qu’ils sont prospectifs et non rétrospectifs. Les auteurs du Nouveau Testament ne les formulent pas pour ceux qui ont seulement l’apparence de la foi ou qui sont de faux croyants. Les chrétiens obtiennent le salut eschatologique parce qu’ils continuent de croire jusqu’à la fin et qu’ils écoutent les avertissements qui leur sont donnés. Les exhortations ne visent pas à provoquer une introspection et à pousser les lecteurs à douter de leur salut. Comme le dit Cockerill : « Ces mises en garde n’ont pas été données afin qu’on se pose constamment la question “Ai-je commis l’apostasie?” » Non, leur but est que l’on continue à croire. Autrement dit, les avertissements n’éteignent pas notre assurance, mais sont un des moyens que le Seigneur utilise pour la fortifier. Quand les parents préviennent un enfant de ne pas courir dans la rue, l’enfant n’est pas censé se demander : « Je me demande si je suis encore vivant. » La mise en garde est là pour préserver la vie de l’enfant, non pour remettre en question le fait qu’il soit vivant. Ces passages sont trop souvent mal compris et interprétés comme une remise en question de la foi.


    Extrait du livre de Thomas Schreiner publié aux Editions Clé

    Aperçu de "Courir pour remporter le prix"

    Sommaire

    Avant-propos
    Préface
    1 Exhortations à la persévérance
    2 Comment comprendre les avertissements bibliques
    3 Persévérer dans la foi ne signifie pas être parfait
    4 La persévérance dans la foi n’est pas une justification par les œuvres
    5 La foi, l’assurance et les avertissements
    Épilogue
    Méditation : attention ! marchez par la foi seule
    Index des références bibliques
    Notes